mercredi 19 novembre 2008

Grève du 20 novembre : prenons le temps de PENSER l'école

école fermée

Notre école sera fermée jeudi. Et la vôtre ?

Face à la menace de suppression des RASED et de l'école maternelle des 2-3 ans, à la réforme du mode de recrutement des enseignants (dès 2010, un bac + 5 suffira sans aucun stage de formation initiale !), et à l'apparition des Etablissement Publics d'Enseignement Primaire (EPEP) dont un projet de loi sera voté en janvier pour une éventuelle mise en place en septembre 2009, il est temps d'AGIR et de REFLECHIR.

J'ai assisté aujourd'hui à une conférence de Philippe Meirieu, sur l'avenir de l'école et le message qui en ressort est :
il faut penser l'école !

Commençons par un état des lieux :
- Notre gouvernement met en avant la faiblesse des résultats des élèves de l'école primaire et se sert de cet argument pour pointer du doigt ses instituteurs et justifier sa politique en matière d'éducation. Or, c'est oublier un peu vite que l'école primaire est pionnière en matière d'aide et d'intégration des élèves en difficultés.
- On nous rend responsables du faible niveau d'orthographe des élèves. Mais c'est oublier un peu vite que les adultes eux-mêmes sont touchés. Ceux-là même qui étaient scolarisés pendant ces belles années où l'école n'était pas du tout montrée du doigt ! De plus, alors que dans la société actuelle la norme écrite est dévalorisée, que l'on écrit de moins en moins, l'école est encore l'un des rares lieux où la production écrite est valorisée et encouragée (journaux scolaires, correspondance, etc.) !
- Enfin, notre société vit un changement rapide et brutal de contexte : ainsi, près de la moitié des enfants, aujourd'hui, possèdent une télévision dans leur chambre. Statistiquement, les programmes qu'ils regardent le plus sont ceux de la TNT et ils passent en moyenne plus de 2 heures par jour devant la télévision. Sans compter la place de plus en plus importante de l'Internet. Nous assistons à des phénomènes sociologiques de grande ampleur qui peut être illustré par un exemple simple : si, en 1930, nos enfants étaient capables de se concentrer 20 minutes en moyenne sur une activité type "puzzle", en 2007, leur temps moyen de concentration ne dépasse par 3 minutes ! Nous avons dans nos classes des élèves qui ne supportent plus d'attendre, qui sont excités, soumis à la surinformation en permanence. Sans compter la fatique : en effet, des études montrent que les enfants ont perdu 1 heure 30 de sommeil par jour ces trente dernières années...
Forts de ces constats, interrogeons-nous donc sur la façon dont la société traite nos enfants...

Soulignons également certaines idées erronées distillées ça et là par les médias et quelques politiques :
- On entend dire que les enseignants "sacrifient les savoirs pour la pédagogie"... C'est un non sens total ! Comment peut-on aujourd'hui affirmer une telle chose ? Sans savoirs à enseigner, il n'y a pas de pédagogie utile, et sans la pédagogie, comment enseigner ces savoirs ? Les savoirs et la pédagogie ne s'opposent pas, ils s'articulent ensemble.
- On oppose la motivation et la travail. Mais là encore, c'est un faux débat. En effet, le travail d'un enseignant est justement de parvenir à mobiliser les élèves POUR qu'ils travaillent. Ces deux notions vont donc forcément de paire.
- Les nouveaux programmes font la part belle à l'entraînement systématique, au détriment des situations de découverte qui seraient non productives. Mais c'est méconnaître la pédagogie que d'affirmer cela car rien n'est plus codifié, cadré, organisé et accompagné qu'une situation de découverte en classe.
- On entend parler de la maternelle comme une sorte de simple "accompagnement psychologique bienveillant". Quelle erreur ! C'est justement le lieu des premiers apprentissages, dont certains seront le socle des notions qui seront enseignées à l'école primaire.
- Pour finir, avez-vous remarqué que les parents d'élèves semblent toujours satisfaits du travail de l'enseignant de leur enfant, MAIS que l'image de l'école, actuellement, est catastrophique ? Etrange paradoxe... Ce fantasme d'une "mauvaise" école est installé dans l'opinion publique sans aucune réflexion sur ce qu'est vraiment l'école de la République.

On dénigre la pédagogie. On attaque l'Institution. On nous a affirmé que la suppression de l'école le samedi matin allait améliorer les relations entre les familles et les enseignants. Mais c'est l'inverse qui se passe ! Le samedi était en effet le seul jour où les parents d'élèves étaient disponibles et où la rencontre et le dialogue étaient possibles. De plus, ce nouveau rythme malmène l'équilibre chronobiologique des enfants : en se levant plus tard le samedi, ils se couchent aussi plus tard et sont déjà fatigués lorsqu'ils arrivent à l'école le lundi matin. Les 2 heures de soutien hebdomadaires sensées remplacer ces samedis ne font qu'alourdir la journée d'école déjà pesante d'élèves qui sont en difficulté scolaire. En réalité, on comprend bien comment les choses fonctionnent, tel un engrenage parfait : on supprime le samedi matin pour ajouter des heures de soutien et de là, avoir une bonne raison de supprimer les Réseaux d'Aide aux Elèves en Difficulté (RASED)...

On tente de nous faire croire que la lisibilité (à travers la publication des résultats des évaluations nationales, le fichier BASE ELEVES...) et la concurrence entre écoles qui en découlera est un gage de qualité. On "étiquette" les élèves et les établissements afin que tout soit transparent pour les parents et qu'en bons consommateurs, ils puissent choisir la "bonne école" comme ils choisissent le "bon produit" au supermarché. Cette logique consumériste, n'est-elle pas contraire à l'esprit de l'école de la République ? Doit-on considérer les élèves et l'école comme des biens de consommation ?

Pour lutter contre cette désinformation et cette dévalorisation de l'école publique, trois stratégies s'offrent à nous :
- Restons des pédagogues. Ne devenons pas de simples "exécutants" de textes officiels imposés sans concertation par le Ministère. Continuons de nous former, de réfléchir sur notre métier, de prendre de la distance et de nous interroger sur nos pratiques.
- Dialoguons avec les parents d'élèves qui sont eux-aussi les premiers concernés par les questions d'éducation. Informons-les sur les dangers qui menacent l'école de leurs enfants. Contrairement à ce que sous-entendent très souvent les médias, les enseignants et les parents ne sont pas les uns contre les autres. Nous avons tous un intérêt commun : celui des enfants que nous instruisons et que nous éduquons. Accueillons-les, informons-les et expliquons-leur notre vision et notre amour du métier.
- N'ayons pas peur de nous EXPRIMER : pas seulement sur l'école, la technicité, mais aussi sur l'éducation, nos valeurs et ce pour quoi nous avons choisi ce métier.

Un vrai débat sur l'école doit avoir lieu : sur ce qu'elle est, ce qu'elle ne doit pas être et ce qu'elle risque de devenir !

6 commentaires:

Anonyme a dit…

Est-ce que l'école est au service de la société ou au service de quelques conceptions idéologiques, là est une question de société.
cordialement

Mistinguette a dit…

Ce texte est parfait : il permet de voir clair et nourrit le débat. Merci

Mistinguette a dit…

...je mets ton texte en lien sur mon blog, si tu permets. Merki !

Anonyme a dit…

J'aurais bien choisi comme niveau d'enseignement la Clad, mais tu l'as fait disparaître avant que les suppressions soient annoncées... Décidément, on n'est que peut de chose dans ce bas monde. Trente ans de ce boulot perf, puis clad rayées de la carte, d'un clic de souris...
Non , t'inquiète, je ne t'en veux pas, l'épidémie de darkosite aigüe vent de me frapper
JBB EDP

Maîtresse Emeline a dit…

j'abonde dans le sens de Mistinguette! et tes considérations sur le consummérisme de l'école sont très juste: XD appartient à un groupe qui souhaite la mort de l'école publique, c'est donc bien la privatisation qui nous attend... Il parait que c'est mieux hahaha (on voit ce qu'il en est de l'eau, du gaz, de l'électricité, de la Poste, etc.).
Si je puis apporter ma pierre au débat, j'ai l'impression que nous sommes au contraire dans une époque où l'écrit est présent partout mais peut-être de manière obligatoire et non choisie. Pour faire le moindre stage, il faut pondre une lettre de motivation (demandée par mon inspecteur à un gamin de 3ème pour faire son stage dans l'école...) alors qu'au "bon vieux temps", l'ouvrier qui voulait être embauché se présentait au patron. Et Internet est, pour une bonne part, un support important de lecture et d'écriture pour tous les âges. Les gens sont contraints d'écrire et donc de montrer leur niveau orthographique. Comme tu le dis si bien, les adultes ne sont guère plus avantagés que les enfants: ne serait-ce pas pour cela que, bien qu'obligés d'écrire, les adultes dénigrent la valeur de l'écrit? C'est comme quand on ne sait pas faire une règle de trois, on dit que ça sert à rien mais je m'égare
:oD
cela dit, j'espère que je n'ai pas laissé passer de fautes!!!

Hélène a dit…

Bonjour Angie,
Si tu es d'accord, j'imprime ton texte qui me plait bien, pour le faire lire à mes voisines qui ne sont pas instits mais qui ont des enfants et se posent et me posent des questions, notamment à cause de cette grève...
Merci,
Hélène.

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